dimanche 21 novembre 2010

Sentir


Sentir, au matin, l'air vif en ouvrant la fenêtre.

L'odeur du café*, qui réveille les narines.
*Ou celle du thé, plus douce et plus subtile.
*Ou bien du chocolat, suave, entêtante, sucrée.
*(cocher au choix)
Sentir le pain frais, qu'on craque, croustillant.
Ou le pain grillé, qui nous réveille, définitivement.
Ouvrir une orange, en presser le jus.

Sentir mon corps qui se libère du sommeil. M'étirer, respirer.
Sentir que j'ai faim, et que c'est bon de manger.
Boire chaud, longuement, à petites gorgées.

Sentir ton parfum, dans la salle de bains que tu viens de quitter.
Je le retrouverai ce soir sur toi, moins piquant, adouci et mêlé à ton odeur. J'aime.
Douche et savon, crème douce sur ma peau de femme.
Faire les gestes de tous les jours.
Sortir.

Odeurs mélangées de la rue : gaz d'échappement d'une voiture qui démarre, fumée âcre du feu de bois de la cheminée voisine, livraison de fuel un peu plus loin.
Les odeurs de la vie.

Jour de travail. Saluer les collègues en arrivant. Odeur de café chaud. Une collègue écrase une cigarette avant d'entrer, ses mots sentent la fumée qu'elle vient d'inhaler, cela m'amuse. Odeur des gens, toute la journée : fraîches le matin, un peu moins au fil des heures... Heureux qui ne sent rien ! (?)
Parfums neutres ou discrets des corps soignés, parfums forts ou entêtants des corps maquillés, odeurs âcres des corps négligés ou malmenés.
On s'habitue, on n'y pense plus, on en sourit.

La journée passe, le soir vient.
Entrer chez quelqu'un a toujours une odeur. Chaque intérieur a la sienne, particulière.
Entrer chez soi ne sent rien, ou presque : c'est familier, une sensation d'évidence, on ne la remarque pas.

Embrasser les enfants. Leurs cheveux, leurs affaires sentent le collège, le lycée, le gymnase, le bus, la rue.

Eplucher un oignon. Le couper. Le faire rissoler. Pour le plaisir, pour l'odeur appétissante.
Ajouter les autres légumes, les faire dorer à l'huile d'olive, poivron craquant, aubergine charnue, courgette douce, tomates juteuses enfin. Surveiller et retourner rondelles et quartiers, sentir quand ils ont doré assez leur face au fond des larges poêles à frire. Puis tout mélanger dans un faitout, et laisser mijoter, tantôt à couvert, à feu doux, pour donner du jus, tantôt à feu vif, cocotte ouverte, pour réduire l'eau et garder les sucs. Doser tout ça, tout en préparant une omelette : pas trop battue, un peu baveuse, parfumée.

Le plaisir de ceux qui arrivent dans la cuisine, découvrent les odeurs, devinent ce que c'est. Le plaisir de manger, avec du pain frais, un verre de vin, bonne humeur.

Tu es rentré, et j'ai senti sur toi toute la lassitude de la journée. Ton parfum un peu effacé, ton odeur musquée, salée. Corps à corps habillé, étreinte tendre, pour se retrouver...

Plus tard, après le repas, la détente de la soirée, les corps déshabillés, lavés, mis à l'aise, on s'apaise et on se cherche. Envie de se parler à peu de mots, de se sentir par tous les pores. Ton corps, ta peau : ambrée, de la chair, du bon pain. Envie de la sentir, de la flairer, comme un petit animal. La sentir vibrer, se reposer douce, frémir animée, s'exciter d'être touchée. Odeur de ton désir qui naît, qui vient, qui monte... Effluve de musc et de femme, de mon désir fluide, qui palpite en sa source...
Envie de s'enfoncer dans la nuit et ses parfums...


15 commentaires:

  1. Bon sang, surtout, surtout, ne pas lâcher une caisse ...

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  2. > Victor : éclat de rire ! Surtout avec mon flair, pas moyen de le cacher !!

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  3. Ton texte me rappelle les odeurs d'enfance, celles que nous retrouvons tout au long de notre vie, au détour d'un chemin, à la cuisson d'un gâteau, au cours d'une promenade à la campagne, dans un bois ...Notre parcours de vie est jalonné d'odeurs qui nous emportent de ci de là, souvent pour un instant, un instant volé au temps ...

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  4. je suis une olfactive... j'ai bcp aimé ton texte !!
    kissous
    Amélie

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  5. Je suis moi aussi un olfactif ; tu ne le savais sans doute pas, mais j'ai un bon odorat et en plus , la mémoire des parfums : je crois avoir encore dans les narines celle de ... bon; c'était il y a bien longtemps . C'était avant. Et même l'avant de ce qui est aujourd' hui "l'avant" . Le vrai .
    De celui-là je garde bien sûr encore plus l'odeur ; je la recherche , je la retrouve parfois, dans tout ce qui est habité maintenant par le grand vide .
    Et pourtant "nous courons à l'odeur suave de vos parfums" .
    Eh oui .
    Le Hutin .

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  6. Voilà une belle ode sensuelle et nous suivons chaque mot à la trace, flairant ça et là ces odeurs qui tour à tour nous interpellent, nous happent, nous subjuguent et parfois aussi nous rebutent ...
    J'aime cette animalité retrouvée qui jalonne notre vie comme autant de marques olfactives imprimées dans la mémoire. Autant de repères, de souvenirs vivaces qui parfument nos jours.
    A l'instar de Proust chacun a sa " madeleine" pour abolir le temps et rendre sa présence encore plus vivante.
    Ton texte est très beau et très charnel ... à déguster sans modération !

    Elise

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  7. Moi qui voyage de par le monde, je sais que ce qui caractérise avant tout une ville, c'est son odeur !

    Sentir est essentiel. Dans les deux sens du terme : on "sent" ce que l'autre diffuse comme parfum et on "sent" le parfum que soi-même on diffuse. Les deux sont indispensables.

    Merci, Ambre, de nous le rappeler !!!

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  8. Hmm Ambre, j'adore quand ta prose me monte au nez !!!

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  9. se sentir aussi...
    moi aussi je suis un olfactif!
    bisous

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  10. > Chilina : des "madeleines", tout au long de notre vie ! Les souvenirs olfactifs sont parmi ceux qui restent le plus...

    > Amelie : bienvenue ici ! Merci !
    Olfactifs, je crois que nous le sommes tous... si nous acceptons de le percevoir.

    > Le Hutin : je ne pouvais le deviner, en effet ! Mais peut-être, de ton amour des fleurs ?
    Et oui. Il y aura d'autres saisons de fleurs. Mais elles seront toujours différentes.

    > Elise : ce texte pourrait être amélioré, je le trouve perfectible (sans y arriver pourtant) !
    Mais j'ai voulu qu'il donne à sentir, et si c'est le cas, c'est déjà le but ! Tant mieux si en plus il est appétissant ! :)

    > Lampe de chevet : "se sentir bien", c'est d'abord sentir, oui ! Il y a ainsi, des lieux, des choses, des gens que l'on "sent" bien, avec qui l'on se sent bien. Des doubles sens, riches de sens !

    > Usclade : mmm, rien que te lire, là, je sens la moutarde qui me picote les narines !
    N'allons pas y chercher noise, hein... ;)

    > photaphil : moi aussi, tu l'as compris : et pourtant, tu vas rire, je ne supporte pas le parfum ! C'est vrai, les parfums de synthèse me font des réactions de peau. Rien de tel que la nature !
    sourire

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  11. J'aime, toutes ces odeurs évoquées au petit déjeuner, entre autres... Je suis très sensible aux parfums.
    Joli texte, qui me parle.

    L'odeur de mon chez-moi, et mieux, de notre lit, je la sens, et je l'aime. L'odeur de mon homme, au creux du cou, dans laquelle je plonge régulièrement...

    Et j'ai quelques "madeleines", moi aussi, comme l'odeur des pensées (jolie coincidence, pour une fleur) qui m'ont fait retomber en petite enfance, un jour d'été, lors d'une balade...

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  12. j'aime beaucoup ton blog et la sensibilité de tes textes..
    Myrtille

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  13. > Ombres et caresses : bienvenue ici ! Je me balade aussi en vos pages, si sensibles et si belles.

    > Myrtille : bienvenue sur ce blog ! Le tien est très beau, belles photos et univers souriant.

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  14. Il y a les odeurs du jours, celles de la nuits, celles des autres et celles plus intimes que libèrent l'amour de l'autre , l'amour que l'on porte sur soi, pour l'autre, l'aimée, la tendre, l'odeur que l'on va partager, humer à en perdre haleine, raison, celle qui va faire gonfler le plaisir et les chairs, tendre le désir jusqu'à l'explosion des sens, faire jaillir l'odeur des effluves amoureuses, propres à chacun...
    Votre texte est beau. Peut être un peu trop sage et a ouvert à cette heure matinale, l'envie d'enfouir ma tête sous la couette et de retrouver la bonne odeur des rêves de ma compagne, douce, amoureuse, entêtante. Perdu dans ces odeurs, le souffle me manque, et monte en moi, "l'envie de retrouver et sa nuit et ses parfums"
    Merci pour ce beau texte
    deni.S

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